Le conseil se réunit le 4 juin suivant et déclare : « Attendu que ce vénérable sanctuaire n’aurait pas dû (…) perdre son caractère légal et que sa désaffectation et son abandon, qui ont bientôt amené sa ruine, ont été profondément regrettables (…), le conseil à l’unanimité: 1) approuve le projet de création à Frizet d’une annexe ressortissant à l’église paroissiale de Saint-Marc ; 2) prie les autorités provinciales et ministérielles d’entreprendre au plus tôt la restauration, aux frais de l’État, de l’église en ruines. Ces bonnes intentions, ainsi que d’autres qui les suivront plus tard, resteront toutes « lettre morte »… Si on en juge d’après le registre paroissial, il n’y aura plus après ce 4 juin 1920 que six réunions du conseil de fabrique de Saint-Marc avant l’entrée en guerre de la Belgique, en mai 1940. Et il ne sera jamais plus fait allusion au projet d’oratoire annexe à Frizet, pourtant réclamé par l’évêché de Namur. La dispersion des avoirs de l’église Saint-Martin est aussi organisée de façon officielle.
On trouve dans les archives de la Commission royale des Monuments un inventaire des pièces concernant l’ameublement de l’église de Frizet. Y figure notamment une note en date du 17 janvier 1924, concernant une demande du comte Xavier de Grunne de transférer à la chapelle Sainte-Apolline, jouxtant le château-ferme de Wartet, une pierre tombale du XVIIIe siècle, située dans la nef de Saint-Martin. Les motifs invoqués sont que la pierre se rapporte à la famille Pinchart (seigneurs de Wartet et Frizet), ancêtre des de Grunne, et que cette dalle serait ainsi à l’abri étant donné que l’église de Frizet est à l’abandon. Le 30 janvier 1924, la Commission donne un avis favorable à cet enlèvement. En 1924, la situation de délabrement de l’église est telle que le Conseil communal demande l’autorisation de démolir et de vendre ce qu’il en restait. La requête ne peut aboutir, la Commission des Monuments et Sites s’opposant à la disparition d’un bâtiment auquel elle avait, en 1913, reconnu (…) un mérite suffisant pour justifier son admission dans la 3e classe des édifices monumentaux du culte. Pour clôturer cet historique ancien, il nous reste à évoquer la date précise de l’abandon de l’église Saint-Martin de Frizet. Cette question a fait l’objet de bien des discussions ; l’abandon ayant été progressif, et non programmé formellement, et son processus s’étant étalé sur une longue période.
Dans un courrier du 13 janvier 2003, le chanoine José Gennart, secrétaire de l’évêché de Namur, donne les informations suivantes au sujet du cas de l’église Saint-Martin : « On ne connaît pas d’acte officiel de désaffectation pour cette église (…). Dans mon ouvrage consacré au diocèse de Namur, on lit que la paroisse de Saint-Marc a succédé « de facto » à la paroisse de Frizet, lorsque la construction d’une église a été autorisée à Saint-Marc par arrêté royal du 18 mars 1897 (…). La correspondance officielle [du début du XXe siècle], relative notamment au projet de reconnaître l’église de Frizet comme église-annexe montre bien que cette église n’avait alors plus aucun statut officiel dans l’organisation du culte public (…). Du reste, dans une lettre du ministère de la Justice, du 19 juillet 1916, il est question textuellement de « l’église de Frizet, désaffectée par suite de la construction à Saint-Marc d’une nouvelle église où s’est depuis exclusivement célébré le culte paroissial » (…). Ce qui précède concerne essentiellement l’aspect civil de la question, du point de vue de l’État, appelé à reconnaître ou à supprimer (désaffecter) les édifices publics du culte. Qu’en était-il sur le plan canonique, celui du droit de l’Église ? Là aussi, il semble qu’il n’a jamais existé d’acte explicite de désaffectation de l’église de Frizet. Au contraire, toute laisse penser, que l’autorité religieuse, contrairement à l’autorité civile, a voulu garder à cette église son caractère de lieu de culte autorisé (…). Le droit canon actuel (…) dit ceci : « Les lieux sacrés perdent leur dédicace ou leur bénédiction si la plus grande partie en est détruite, ou s’ils sont réduits à des usages profanes de façon permanente, soit par décret de l’Ordinaire compétent, soit défait » (canon 1212). Dans le cas de l’église de Frizet, l’Ordinaire compétent était l’évêque de Namur, qui aurait préféré conserver à cette église son statut officiel (…). Mais au cours des temps, la plus grande partie de l’édifice a été détruite, entraînant la désaffectation « de fait ». Dans un cas du genre, il est bien difficile de fixer le moment précis où la désaffectation a pu avoir lieu (…). L’église de Frizet (…) est tout simplement tombée en ruine progressivement. »
En l’absence d’un document qui établirait de jure, la désacralisation du sanctuaire de manière indiscutable et devant la difficulté de préciser un fait pour établir sa désaffectation de facto, les auteurs adopteront l’une au l’autre date suivant l’« événement » qui détermine, à leur avis, son abandon. Selon les documents et ouvrages, on trouve ainsi les dates suivantes : 1892 (le jour des morts, les cloches sonnèrent pour la dernière fois) ; 1897 (A.R. du 18 mars autorisant la construction d’une église à Saint-Marc) ; 1900 (en janvier, aliénation du presbytère de Frizet, suivi du partage du mobilier de Saint-Martin et de son déménagement vers Saint-Marc) ; Noël 1913 (dernier office régulier connu à Saint-Martin) ; 1920 (abandon – informel – par les autorités responsables, par désintérêt).
Extrait de l’article « L’EGLISE SAINT-MARTIN DE FRIZET » par André GHEUR (ancien membre fondateur des l’a.s.b.l.), paru dans « Le Guetteur Wallon » N°1 – 2006